American Dream

À la fin des années cinquante, la conjoncture économique autorise à rêver à la métamorphose de Bruxelles en une ville à l’américaine. Les théories urbanistiques des années trente paraissent enfin réalisables. Visant l’épanouissement de l’homme, celles-ci préconisaient de reconstruire la ville sous forme d’immeubles en hauteur afin de libérer le sol, aménagé en de vastes jardins.

En l’absence de plan d’ensemble, ces théories utopiques se trouvent rapidement dévoyées par le souci de rentabilité des promoteurs immobiliers. Malgré quelques incontestables réussites architecturales, les nouveaux immeubles poussent le plus souvent sans égards pour le reste de l’environnement urbain, condamné à laisser la place au Bruxelles de demain.
Pour l’architecte du plus haut hôtel de l’Europe continentale, le Westbury, l’importance d’un bâtiment doit être étudiée et jugée en tenant compte de la configuration future de la ville. L’hôtel tient dès lors parfaitement sa place dans la ville que nous voyons naître, et dont l’échelle sera inéluctablement différente de celle que connurent nos pères (La Maison, n° 10, 1963).


Malgré ses indéniables qualités, le complexe D’Ieteren semble aujourd’hui écraser par son volume les petites maisons du quartier. Il était en fait destiné à trouver sa place dans le nouveau Bruxelles, le Bruxelles en devenir (La Maison, n° 7-8, 1967), la cité moderne à l’américaine qui n’a finalement pas vu le jour telle qu’on la rêvait.


Les tours élevées au centre-ville jouissent rarement d’un dégagement au sol proportionnel à leur gabarit. Pour l’hôtel Hilton, il était prévu que les petites maisons du XIXe siècle qui subsistent toujours à ses pieds soient rasées afin de mettre mieux en valeur le nouvel édifice (La Technique des Travaux, n° 9-10, 1967).


Certains projets témoignent toutefois d’une réflexion sur les notions d’échelle et d’intégration à l’environnement bâti. Édifié à un jet de pierre de la cathédrale des Saints-Michel-et-Gudule, le bâtiment de la Régie des Télégraphes et Téléphones est limité, pour son aile avant, à cinq étages. Il n’éclipse ainsi en rien sa séculaire voisine.